Journaliste de formation, Kalista Sy aime raconter des histoires de femmes, qu’elle porte sur le petit écran à travers les séries qu’elle produit. Après Maîtresse d’un homme marié, elle cartonne aujourd’hui au-delà des frontières du Sénégal avec la sitcom Yaay 2.0. Interview d’une scénariste 100% made in Africa.
Propos recueillis par Dounia Ben Mohamed
Forbes Afrique : Kalista, vous aimez raconter des histoires. Quelle est la vôtre ?
Kalista Sy : Je suis un pur produit du Sénégal et l’affirme avec beaucoup de fierté. J’ai fait tout mon parcours dans ce pays, où j’ai notamment suivi des études littéraires. Une fois le bac en poche, j’ai poursuivi une formation en journalisme et communication. J’ai commencé à exercer le métier de journaliste, dans différents types de médias : radio, télévision, presse écrite et en ligne. L’idée de réaliser un scénario ne m’est venue que plus tard. C’est ainsi qu’a démarré mon aventure en tant que scénariste-productrice.
Forbes Afrique : Comment avez-vous opéré cette transition ?
Kalista Sy : J’ai toujours écrit des histoires, sans pour autant être scénariste. Le déclic est apparu quand j’ai commencé à écrire une chronique, que je postais sur les réseaux sociaux, dans un groupe de femmes. Celle-ci a tellement bien marché que l’idée m’est alors venue d’en faire une série. J’ai gardé le projet en tête pendant trois ou quatre ans car faute de financement, je ne pouvais pas le développer. Avoir une idée ne suffit pas, il faut avoir les moyens financiers pour la concrétiser. Plus tard, j’ai eu l’occasion de rencontrer Serigne Massamba Ndour, le dirigeant de la société de production audiovisuelle Marodi. Nous avons discuté du scénario et c’est ainsi qu’il a accepté de développer le projet, en co-production. Ma part consistait à apporter la matière grise et à fournir le « produit » audiovisuel tandis que lui s’occupait du volet financement. D’une certaine manière, il a réussi à matérialiser ma vision. Durant trois saisons, j’ai été show runner pour Maîtresse d’un homme marié, assurant la direction artistique. Sur ce dernier point, autant que faire se peut, j’ai choisi de collaborer avec des designers sénégalais pour promouvoir le made in Sénégal. L’idée était de renouveler le paysage audiovisuel sénégalais et de montrer que nous étions capables de réaliser de belles choses. Je voulais également mettre en avant des histoires de femmes, porter leurs voix, parler de leur vécu. Je pense que c’est l’un des ingrédients clés du succès de la série. Un succès qui, au final, a traversé les frontières.
Forbes Afrique : Vous avez bénéficié d’un accompagnement de la Délégation générale à l’entreprenariat rapide des femmes et des jeunes (DER/FJ). Qu’est-ce que cela vous a apporté dans le développement de votre projet ?
Kalista Sy : De manière concrète, j’ai pu lancer ma boîte de production, Kalista Prod, grâce à un financement de la DER/FJ. Leur accompagnement m’a permis d’acheter le matériel nécessaire mais aussi de former les équipes associées au projet. Il est important pour moi de former des gens aux métiers de l’audiovisuel. Grâce à cela, j’ai pu concrétiser mon projet de série Yaay 2.0 (« mère », en wolof, ndlr). Aujourd’hui, c’est une fierté d’avoir pu produire trente-deux épisodes de vingt-six minutes, avec une diffusion deux fois par semaine. D’abord, à la télévision, sur la seconde chaîne nationale 2STV, et ensuite, sur notre chaîne YouTube, qui a vu le jour en même temps que le projet. Nous avons débuté avec zéro abonné et avec le recul, c’est un honneur de voir tout ce beau monde apprécier la série, nous suivre, nous soutenir…
Forbes Afrique : Le “made in Africa” est en plein essor sur le marché de l’audiovisuel en Afrique de l’Ouest. Comment l’expliquez-vous ?
Kalista Sy : Nous avons de plus en plus un marché dynamique auquel les Africains participent. En Afrique de l’Ouest, et dans la diaspora, de nombreuses personnes visionnent nos produits. Je m’émerveille de voir l’engouement que nos contenus suscitent. Il y a quelques années, les Sénégalais regardaient des productions étrangères. Aujourd’hui, le public s’identifie davantage à nos séries et dans l’ensemble, il aime ce qu’il regarde. Cela nous encourage à nous perfectionner car les défis restent nombreux et à tous les niveaux : de la mise en scène à la partie artistique et technique, sans oublier la scénarisation et la post-production. L’intérêt des spectateurs nous donne beaucoup de courage, car ce n’est pas toujours facile. Mais avoir des partenaires, qui nous accompagnent financièrement, nous aide à matérialiser et à rentabiliser notre contenu. Par ailleurs, il est très important que les femmes ne soient pas que des exécutantes mais aussi des leaders, dans ce secteur où l’on trouve majoritairement des hommes. Il faut montrer que les femmes sont aussi capables de tenir les rênes.
Crédit-photo : DR
Par oLA Sn (avec Forbes)