Lors du festival des enfants dénommé «La parole aux enfants» de la commune de Darou Khoudoss organisé par l’Association pro Sénégal Mboro (Aprosem) en partenariat avec Amici Di, le taux très élevé de déscolarisation dans le littoral a été dénoncé par les acteurs, qui militent pour la promotion d’une éducation de qualité dans ladite zone.
Alors que l’Etat et des syndicats d’enseignants se déchirent sur le projet de recrutement de 5000 enseignants annoncé, l’école se meurt dans le littoral avec la complicité des parents. Dans cette zone, plus particulièrement dans les communes de Darou Khoudoss, Mboro et les villages de Golgaindé, Khondio, Keur Djiby, Mboro Beuno, Mboro sur mer, Diogo et Fass Boye, les élèves préfèrent poursuivre leur cursus dans les périmètres agricoles que dans les classes, pour gagner de l’argent. Ici le taux d’abandon ne se chiffre plus, renseigne Issa Sow, Conseiller municipal et départemental à Darou Khoudoss. Une zone économique par excellence, mais où, en période d’année scolaire, constate-t-il, «beaucoup d’élèves, de filles surtout, se détournent du chemin de l’école à cause du centre de pêche, mais également des activités maraîchères». Il s’exprimait au cours du festival des enfants organisé par l’Association pro Sénégal Mboro (Aprosem) en partenariat avec Amici Di, dirigé par Sabina Lombardo Salmina. Dr Abdoulaye Diaw, président de l’Association pro Sénégal Mboro (Aprosem), explique : «Il y a des défections scolaires parce que c’est un village de pêcheurs, et ils ne sont pas en contact direct avec le monde moderne. Ils sont restés dans leurs traditions ancestrales qui font que, pour eux, il suffit seulement que l’enfant puisse aller apprendre le Coran. L’école, en fait, n’est pas leur objectif. Ils ne voient aucun avenir dans l’école parce qu’ils peuvent voir leurs enfants aller à l’école et jusqu’à 12 ans avoir du mal même à lire correctement. En fait, ils se disent que ce n’est pas évident que leurs enfants seront demain des intellectuels. C’est pourquoi ils ne se donnent pas trop. Donc il faudrait qu’il y ait des mesures d’accompagnement pour leur faire comprendre qu’en fait, ces enfants ont encore une chance pour réussir dans le milieu scolaire.» Ce n’est pas tout : «Il y a aussi l’aspect financier. Il est plus facile pour un enfant d’avoir un 100 francs Cfa au bord de la mer ou d’accompagner ses parents aux champs.» Par conséquent, «les élèves préfèrent cultiver la terre ou aller en mer. Surtout que la plupart d’entre eux veulent plutôt gagner de l’argent que d’aller en cours. Et souvent, les parents sont complices puisqu’étant, pour la plupart, des illettrés».
Stratégie
Ce problème a motivé d’ailleurs, selon le responsable de la communication d’Aprosem, Gorgui Kâ, la décision de l’Inspecteur de l’éducation et de la formation (Ief) de Tivaouane d’ordonner «la fermeture de classes dans certains villages dont Golgaindé tout récemment, faute d’effectifs. Il n’y avait pas assez d’élèves dans cette école». A ce titre, l’Aprosem a démarré une large campagne de sensibilisation pour le maintien des élèves à l’école. D’où l’organisation de la première édition du festival des enfants dénommé : «La parole aux enfants», pour sensibiliser les parents quant au maintien des enfants à l’école. «Le festival rentre dans le cadre des activités que nous menons chaque année pour la promotion d’une éducation de qualité, ici, dans la zone du littoral mais aussi de la cohésion sociale de ses écoles», explique M. Kâ. Lesquelles activités, selon Dr Abdoulaye Diaw, président de l’Aprosem, sont ludiques et pédagogiques. «Nous avons mis en place un Centre d’intégration communautaire (Cic) en 2008 pour attirer les enfants à travers des activités ludiques. Ensuite on a ajouté des activités pédagogiques avec des cours de renforcement scolaire délivrés par un enseignant, puis des sorties pédagogiques, et le génie en herbe. Des activités qui ont pour seul but de motiver les enfants à aimer l’école mais aussi à motiver leurs parents à les laisser aller à l’école et les accompagner en dehors même de l’école.» Il poursuit : «On ne s’en est pas arrêté pas là. Parce que si on motive l’enfant à venir et que le parent n’adhère pas à la philosophie de la fréquentation de l’école par l’enfant, on n’aura pas gagné. On s’est dit qu’il faudrait que l’on motive les parents des enfants pensionnaires du centre d’une autre manière en leur donnant des bons de sacs de riz.» En somme, dit-il, «c’est cela le type de politique que nous menons et le festival rentre dans cette logique. C’est un festival qui mobilise le maximum d’enfants qui sont sur le littoral. Nous leur fournissons du matériel scolaire et des équipements sont remis aux équipes sportives de toutes les écoles». Tout cela, estime le patron d’Aprosem, «pour stimuler l’enfant à aller à l’école». Et de faire remarquer : «Les résultats on les ressent parce que quand ils sont au Cic, au-delà des cours de renforcement scolaire, par exemple aujourd’hui, avec l’épidémie de coronavirus, on fait carrément un enseignement sur les mesures de prévention. Et au-delà de cela, nous avons un programme de prévention sanitaire.» Il se réjouit du début de changement de comportements : «Les choses commencent à bouger. Ça va prendre du temps parce qu’on est un village conservateur traditionnel mais au moins quelque chose est en train de bouger. Et notre plus grand souhait c’est d’avoir un bus scolaire qui puisse faire la navette entre Mboro sur mer et le collège pour qu’il y ait une continuité de l’action que nous menons dans la zone. Parce que souvent les enfants qui ont l’entrée en sixième, doivent, après, subir l’épreuve du transport. Et payer le transport matin et soir pour aller à Mboro n’est pas du tout évident. Parce que cela ne sert à rien d’accompagner les enfants jusqu’au Cm2 et qu’ils arrêtent ensuite les études.» Au-delà du maintien des enfants à l’école, surtout les filles, des sujets d’actualité ont été développés lors du festival, autour, entre autres, de la protection de l’environnement, la sensibilisation des enfants sur les techniques de lavage des mains pour pallier la pandémie du Covid-19, la participation des parents à la gestion des comités éducatifs.
Par Ola (avec Le Quotidien)