De l’urgence des Transdisciplinarités (Par Mouhamed Sy, 22 ans, essayiste, ingénieur)

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Tout le monde est devenu épistémologue. D’un côté, on a un déchirement complet du point de vue cognitif et moral entre la science et la société. Cette dernière est tout d’un coup totalement imprégnée des sciences en question. Il me semble pertinent de se demander quel est l’ascenseur, la courroie de transmission analogue à celle (fonction) qu’avaient remplie Jules Verne, Flammarion, Pierre Teilhard de Chardin. Je crois évidemment que cette transmission a été remplie par les médias (Radio, télévision, les journaux…) qui jugent journellement le savoir et qui ont opinion, surtout en tant que directeurs d’opinion concernant les sciences. Quel est alors, dans l’état actuel, le rapport entre la société et la science ? L’interdisciplinarité qu’il faudrait inventer pour remettre de l’ordre dans ce type de rapport qui est dominé par deux contradictions, la contradiction du « je ne comprends pas » et l’autre pôle du « Je sais tout et juge sur tout » ? Aujourd’hui, il y a les sciences humaines d’une part et les sciences dures d’autre part.

 

Lors d’une conférence à laquelle je devais assister, un des intervenants avait proposé une réflexion sur l’interdisciplinarité. A ma grande surprise, il n’a parlé que de disciplines des sciences humaines (économie, finance, sciences politiques …). Il n’y avait pas du tout l’ombre de sciences dures. Un tout petit peu d’histoire. Elles sont nées (les sciences sociales) entre la fin du 18e siècle et le début 19ème siècle, à la fois en Allemagne : Friedrich Wilhelm Joseph Von Schelling avec « La philosophie de la mythologie », Auguste Comte qui a inventé le mot « sociologie », Charles Bonnet « la psychologie », bref disons qu’elles sont toutes nées entre la fin du siècle des lumières et le milieu du 20ème siècle. A l’intérieur des sciences humaines la technique est défaillante. A partir de cette époque, l’enseignement dans le monde entier forme deux populations distinctes, d’un côté les littéraires, d’un autre les scientifiques, bien entendu ces populations ne se connaissent pas depuis la jeunesse. Ils sont d’un côté, des individus cultivés tout à fait ignorants et d’un autre des savants parfaitement incultes.

 

Ces deux populations érigent deux types de « savoir », l’un qui représente précisément la société et l’autre qui représente précisément le monde. Ce qui nous ramène d’une certaine manière à l’époque de Galilée. Est-il possible d’établir d’un coup un court-circuit entre ces deux sciences qui nous permettrait de comprendre une fois les interactions réciproques entre le monde et les hommes ? D’un côté il faut le dire, les sciences humaines décrivent des faits, donc descriptives tandis que les sciences dures sont des sciences explicatives, normatives, qui énoncent des lois annonçant des actions. Tout d’un coup on « CUI BONO »  s’aperçoit que les individus qui se sont formés aux sciences humaines sont les commerçants, les administrateurs, députés, politiciens, journalistes, écrivains, philosophes ; tous ceux à qui nous donnons la parole sont formés aux sciences humaines. Mais si la société se transforme de façon décisive, change de manière brutale, c’est en raison des sciences dures. Si vous regardez de près comment la société a changé depuis 70 ans grâce à la médecine, la biologie avec leurs exploits, l’espérance de vie a crû verticalement et changeant complètement la tendance sur les générations futures.

 

On est dans une société très intéressante où le rapport entre la science et la société est le suivant : ceux qui gouvernent, parlent, administrent, gèrent sont tous formés aux sciences humaines. Cependant, ceux qui sont dans la transformation radicale de la société telle qu’elle l’est aujourd’hui sont manipulés, inconscients d’une certaine manière, et cela est dû aux sciences dures d’aujourd’hui, vous voyez la coupure fondamentale. En effet, si on parle beaucoup de la coupure on en parle du point de vue financier, géopolitique, mais là je vous parle d’une qui me concerne, qui vous concerne, qui concerne la totalité de la société d’Afrique occidentale. Cette dernière se transforme grâce des sciences dures et est décrite de façon élégante par les sciences humaines qui n’ont aucun rapport avec cette transformation et là je vous parle à vous, écoutez ! Je ne sais pas si je vous posais la question à savoir entre Sartre et Flemming qui a découvert la pénicilline ? Qui va me répondre ? Ou à la génération de nos pères qui est le plus important entre Bourdieu, de Foucault ou de Turing, je parierai ma vie qu’il n’y a pas 10 % d’entre vous qui connaissent Turing. D’ailleurs Turing, c’est lui qui a créé l’ordinateur. Vous connaissez l’histoire de Turing ? j’ai envie de vous la raconter. Turing était un professeur d’arithmétique dans un collège britannique.

 

Il a été recruté au début de la guerre dans le département du chiffre à l’amirauté et il est parvenu à décoder grâce à ses machines, les messages secrets de l’amirauté nazi. Par conséquent, pendant toute la guerre, les alliés ont cherché à cacher aux allemands la connaissance de leurs messages donc nous pouvons dire que Turing a gagné la guerre tout simplement. D’ailleurs, il a été condamné aux tribunaux quelques années pour homosexualité en Angleterre, ce qui est très beau d’une certaine manière. Donc il était un homme qui a non seulement gagné la guerre mais changé la société. C’est un homme que les gens ne connaissent pas. Je ne sais pas si je demandais aux journalistes qui sont les 5 derniers prix Nobel (même si pour dire vrai je ne lui donne aucun crédit) dans n’importe quel domaine physique ou médecine, j’en suis sûr qu’ils ne sauraient même pas m’en dire 1 : le saviez-vous, vous qui lisez ?

 

Vous voyez donc là il y a urgence, urgence majeure. Et nous rejoignons réellement les transdisciplinarités non pas aux sens universitaires, parce que quand on est dans une discipline on est spécialiste. Attention !!! Lorsqu’on est spécialiste, cela favorise l’efficacité mais empêche l’innovation. Plus vous êtes spécialistes dans un domaine, plus vous êtes efficace mais moins vous pouvez accéder à l’innovation. Par conséquent, je crois que nous sommes dans l’état pré-galiléen. Pour Galilée c’était l’abstraction et le concret, pour nous c’est les sciences de la société et les sciences du monde, si nous ne faisons pas cela, nous ne gouvernerons plus, nous ne ferons plus que gérer.

 

Vous entendez la distinction entre gérer et gouverner. Gouverner c’est tenir le gouvernail, c’est-à-dire savoir où l’on est, savoir d’où l’on vient et savoir où l’on va. C’est dire qu’il urge de retrouver l’idée de progrès telle que prônée et appliquée à l’époque des Lumières. Si on ne gouverne pas, on ne fera que gérer, gérer des bilans, des équilibres, en particulier financiers. Qu’est-ce que l’équilibre ? c’est ce qui ne bouge pas logiquement, complètement statique. Alors je ne dis pas que j’ai inventé cette discipline mais je crois que le génie du 21e siècle sera celui qui l’inventera et je crois pouvoir dire le lieu où elle se passera. Cette invention sera dans le fossé que je suis en train d’écrire. Si vous voulez devenir des hommes contemporains, je souhaiterais au moins deux choses, que vous vous adonniez le plus possible à des sciences dures afin que vous complétiez votre bagage, que vous ne soyez pas seulement des gens cultivés et ignorants des sciences humaines qui sont en train de transformer la société mais aussi les praticiens des sciences dures gagneraient aussi à s’adonner aux sciences humaines.

 

C’est donc un problème d’enseignement et d’éducation, mais si c’est un conseil que je peux donner à la jeunesse à laquelle je fais partie du moins au vu de mon âge, c’est de faire de plus en plus le pont entre les sciences dures et sociales comme l’écologie qui est l’une des plus compliquées, ainsi que les innombrables sciences avec lesquelles elle est en rapport, parce que vous serez beaucoup plus capable de gouverner, de gérer une entreprise, parce que vous saurez vraiment à partir d’où le monde est en train de se changer. « Je rappelle aussi que je suis entrepreneur, mes collaborateurs m’appellent souvent M. le gérant et lorsque je suis allé voir le mot gérant et gouvernant, je me suis totalement dit de ne plus accepter qu’on me dise gérant mais plutôt gouvernant. Je dirige une SARL (NGIRWI) et que juridiquement celui qui dirige est nommé gérant cela montre sans scrupule, le pourquoi nous n’arrivons pas à émerger en tant qu’entreprise en Afrique de l’Ouest car nous ne faisons que gérer. » Le 09 Safar 1444.

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