Secteur en pleine ébullition, l’innovation en Afrique apparait comme un gros porteur de croissance, dans un environnement globalement difficile. Pour mieux s’en sortir, les acteurs de ce secteur veulent une plus grande attention des pouvoirs publics.
Malgré son statut de « première entreprise sénégalaise à se spécialiser dans la culture et le commerce de fraises exclusivement sénégalaises », la start-up Fraisen court depuis 2019 derrière une aide du gouvernement pour consolider son business.
« La Délégation générale à l’entrepreneuriat rapide des jeunes et des femmes (DER/JF) devait nous accompagner mais ça n’a pas marché. Ils ont tellement de protocoles à suivre qui nous font trainer et nous ne pouvions plus attendre », explique Souleymane Agne, directeur de la start-up Fraisen qui s’est finalement tourné vers l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) espérant décrocher un partenariat.
Selon Souleymane Agne, la culture de la fraise n’étant pas connue en Afrique, il a fallu six ans de recherches pour développer une technique viable de culture de ce fruit. Aujourd’hui, le réseau Fraisen s’étend au-delà des frontières sénégalaises, au Bénin, en Guinée et jusqu’au Tchad.
Dans l’écosystème de l’innovation entrepreneuriale, plusieurs start-up sénégalaises souffrent de ce manque de soutien de l’Etat. Pour certains petits entrepreneurs, les statistiques officielles et le nouveau cadre juridique semblent relever de la fiction.
Souadou Dia, créatrice d’une micro entreprise de transformation de fruits et produits céréaliers dénommée Souadproduct, soutient, elle aussi n’avoir reçu aucune aide de l’Etat en six ans pour son entreprise.
De guerre lasse, elle a financé sur fonds propres les débuts de son entreprise. Et pour s’assurer une croissance et une pérennité, elle cherche un partenariat avec la structure d’accompagnement de l’entrepreneuriat innovant de l’USAID.
Pourtant, Fraisen et Souadproduct se présentent toutes les deux comme de potentielles bénéficiaires des moyens dégagés par l’Etat du Sénégal, estimant qu’elles font partie des entreprises et start-ups considérées comme innovantes.
Selon Talla Ndiaye, en charge de l’entrepreneuriat et de l’employabilité des jeunes au ministère des Télécommunications et de l’Economie numérique, un fonds d’aide de 15 milliards FCFA est disponible afin d’aider les entreprises et start-ups innovantes du pays.
Lors d’une rencontre tenue le 10 juin 2022 et regroupant des structures africaines d’accompagnement à l’entreprenariat innovant et des représentants de gouvernements les discussions ont essentiellement tourné autour des obstacles qui empêchent une pleine éclosion du secteur.
Selon Mamadou Ndiaye, responsable à la Délégation générale à l’entrepreneuriat rapide des jeunes et des femmes (DER/JF) présent à la rencontre, le Sénégal a fait un bond énorme dans le domaine de l’entrepreneuriat innovant.
Alors qu’elles peinent à trouver des soutiens chez les pouvoirs publics, les start-ups sénégalaises arrivent à lever des fonds importants chez les investisseurs privés, plaçant le pays à la 5e place dans ce domaine.
Au total ce sont 220 milliards FCFA qui ont ainsi été réalisées entre 2018 et 2022 par les start-ups sénégalaises, selon Talla Ndiaye le chargé de l’entrepreneuriat et de l’employabilité des jeunes au ministère des Télécommunications et de l’Economie numérique.
En outre, le gouvernement sénégalais a doté le pays d’un cadre juridique qui s’est traduit par l’adoption le 6 janvier 2020 de la loi n°2020-01 d’aide aux entreprises innovantes.
Cette loi, également dénommée « Start-up Act », soutient entrepreneurs et investisseurs à travers la création d’une commission d’appui et d’évaluation. Elle facilite aussi la mise à disposition d’experts pouvant aider au développement et à la pérennisation de la start-up.
D’autre part, la Start-up Act facilite l’obtention d’accréditations auprès de l’Etat pour mieux aider les entreprises reconnues par la loi comme startups innovantes, notamment en termes d’exonérations fiscales.
Selon Souadou Dia, l’effectivité de la Start-up Act reste « à démontrer », ainsi que l’engagement de l’Etat en général.
Des fonds disponibles mais…
Pour les acteurs du secteur le déficit de dialogue avec les pouvoirs publics constitue un obstacle majeur à l’émergence d’un environnement propice au développement de l’entrepreneuriat innovant.
Les gouvernements « doivent mettre en place l’environnement législatif et le financement adéquat », propose Senam Beheton, président du conseil d’administration d’Afric’innov.
Un plaidoyer soutenu par le fondateur de la Rencontre des Entrepreneurs, Rivolala Ratsimandresy. Il reproche au gouvernement sénégalais de ne pas toujours s’adresser à ceux qui « savent comment marche le système ».
Pour Ndèye Fatou Sène, directrice exécutive d’Afric’innov, « créer des projets, voter des lois, lancer des initiatives, c’est une bonne chose. Mais le faire dans leurs bureaux, ça ne suffit pas ». D’où l’obligation pour les pouvoirs publics d’être au contact des acteurs de l’entrepreneuriat.
Cependant, les start-ups innovantes peuvent compter sur bien d’autres leviers pour tirer profit de leurs capacités d’innovation. Selon Bitilokho Ndiaye, directrice de la promotion de l’économie numérique et du partenariat, les collaborations internationales apparaissent comme un bon outil à cet effet.
« Le Sénégal collabore avec l’Afrique à travers plusieurs mécanismes. Smart Africa ou l’Union africaine des télécommunications nous permettent par exemple de travailler en synergie avec nos collègues africains », a-t-elle déclaré.
Autre part dans la sous-région, le milieu de la start-up est également en plein essor. En Côte d’Ivoire, un total de 12 milliards FCFA a été levé par 11 start-ups locales entre 2020 et 2022. Le Mali fait ses petits pas dans le secteur en se dotant en 2019 d’une « start-up Act », incitant à l’investissement dans les petites et moyennes entreprises locales.
Par Ola sn ( avec Ouestafnews)